Calypso Whitt, fille de Némésis

"Elle s'appelle Calypso". Cette phrase, je ne m'en souviens pas, bien sûr - j'étais un peu petite pour m'en rappeler aujourd'hui. Et puis après tout, je ne suis même pas certaine qu'elle ait été prononcée. C'est ça le problème avec les dieux, on ne sait pas vraiment d'où ils sortent, et encore moins d'où on sort. Quoique maman, Némésis, déesse de la Vengeance, était un coeur d'artichaut et est restée quelques années avec nous : voilà l'avantage des dieux mineurs dont personne ne s'occupent, personne ne s'inquiète quand ils disparaissent dans la nature. Ce qui fut le cas, jusqu'à mes douze ans, d'ailleurs. Notre famille savait parfaitement que maman pouvait partir d'un moment à l'autre. Nous avons appris à nous habituer à cette attente. Je crois qu'au final, je l'acceptais plus facilement que mon père. Il suffit que Némesis parte une semaine, et il croyait qu'elle disparaissait pour toujours. J'avais les mêmes pensées, mais elle ne me terrifiaient pas autant. Et un jour, il y a quatre ans de cela, maman nous a quittés, pour de bon cette fois. J'avais un petit frère et une soeur, jumeaux, qui répondaient aux prénoms d'Antinéa et d'Anchise. La même mère... autant dire que notre famille connaît par coeur le moindre recoin de la mythologie, parle couramment grec ancien et que le port de la toge grecque nous est quasiment plus naturel que celui de l'uniforme de mon école. D'ailleurs, je ne suis pas restée longtemps à l'école, juste assez pour savoir lire, écrire et calculer, et je suis arrivée à la colonie lorsque ma mère a quitté la famille : c'est ce qu'elle avait demandé à notre père. Les jumeaux et moi sommes donc allés au Camp des Sang-Mêlés, mais nous résidions dans le bungalow d'Hermès. Nous avions beau savoir qui nous avait donné la vie, aucun bungalow n'était réservé aux rares enfants de Némésis, et nous étions considérés, du moins pour le logement, comme des indéterminés. Nous rentrons chez nous pour toutes les vacances scolaires, notre mère n'étant pas assez connue des monstres pour que nous ne courions un danger. Parfois, notre mère nous rend visite, que ce soit à la colonie ou à New York.